0237 JusquÀ Ce Que LOrage Éclate.
(Il y a quelques jours Jérém&Nico a fêté ses 6 ans. Merci à vous tous pour votre fidélité et votre soutien. Fabien).
Après cinq semaines pendant lesquelles Jérém na jamais voulu que jaille le voir à Paris, jai fini par débarquer chez lui par surprise. Mais une fois à lappart, jai dû faire face à son hostilité et à sa distance. Mais aussi à des appels répétés sur son portable auxquels il na jamais voulu répondre. Ce qui ma rendu suspicieux, inquiet, et ma valu une nuit très difficile.
Le samedi matin, à cinq heures pétantes, Jérém disparaît dans la salle de bain. Très vite, lair du petit appartement est saturé par une délicieuse fragrance de gel douche. A 5h15, habillé dun jeans et dun simple t-shirt blanc terriblement sexy, les cheveux encore humides, il fait chauffer son café.
Même si je sais que ce nest vraiment pas le moment, jai très, très, très envie de lui sauter dessus.
« Bonjour » je lui lance.
« Bonjour » il lâche sur un ton monocorde.
« Tu as bien dormi, ptit loup ? ».
« Ouais ».
Je le regarde boire son café et fumer en même temps. Il a lair stressé au possible. Je voudrais trouver les mots pour le booster comme sait si bien le faire Ulysse, mais je ne sais pas vraiment par où commencer. A force de me dire que je ne capte rien au rugby, Jérém a fini par me décourager de tenter de lencourager. Jai limpression que tout ce que je lui dirais sonnerait affreusement faux.
Jespère vraiment que ce match va bien se passer. Je stresse avec lui.
Jaimerais bien y assister. Je voudrais suivre le jeu de mes propres yeux, massurer que tout se passe bien, minute après minute. Bien sûr ma présence ne changerait rien. Mais ça me rassurerait. Et jaimerais aussi pouvoir croire que ma présence et mon support seraient capables dencourager Jérém et lui faire oublier un peu son stress.
« Jaimerais bien te voir jouer » je finis par lancer de but en blanc.
« Et comment ? Je ne vais pas tamener dans mon sac ! ».
Ah bah, voilà une idée qui serait la bonne, moi chaton blotti au milieu de ses fringues, de son gel douche, de son déo, bercé par ses bonnes petites odeurs mâles. Voilà une idée du bonheur !
Blagues à part, je sais que je ne pourrai pas suivre mon Jérém en déplacement à Périgueux et assister au match. Mais jaimerais bien savoir si, au-delà de laspect « discrétion », ça lui ferait plaisir que je sois au bord du terrain comme la dernière fois.
« Nempêche que javais bien aimé venir au match la dernière fois, et jaimerais bien te revoir jouer » jinsiste.
« Et moi jaimerais surtout que le match se passe bien et sans que je fasse trop de conneries ».
Jérém, ou lart de botter en touche. Jen déduis que je ne suis pas près de le revoir jouer.
« Oui, je te souhaite que ça se passe pour le mieux » je lui lance, tristement.
[Au fond de lui, Jérémie aimerait bien quaujourdhui Nico soit là, près du terrain, comme la dernière fois. Car sa présence lui donne de lénergie. En présence de Nico, Jérémie ressent une motivation supplémentaire pour donner le meilleur, cest celle dimpressionner ce petit gars.
Peut-être quil y aurait un train du matin qui pourrait conduire Nico à Périgueux à temps pour le match. Mais ce nest pas possible. Il ne veut pas que les gars le revoient, surtout pas Léo. Car si ce dernier recommence à lui casser les couilles, à un moment ou à un autre il va lui casser la gueule, et se faire virer du club].
Quelques instants plus tard, Jérém se lève, il passe un pull à capuche gris à zip quil ferme jusquen haut faisant complètement disparaître le coton blanc qui enveloppe son beau torse. Puis, il att son sac de sport et se dirige vers la porte dentrée.
Je narrive pas à croire quil compte partir comme ça, sans un mot, sans un bisou, sans rien. Jai envie de lappeler, mais je suis tellement pris au dépourvu que ma gorge est comme paralysée.
Et alors que je me prépare à le voir disparaître comme un voleur, le bobrun se retourne et me lance :
« Tu peux pas savoir comme je suis en stress. Jai une boule dans le ventre qui me lâche pas ».
Son regard est préoccupé, inquiet. Son assurance légendaire a complètement disparu. Jérém est à fleur de peau, et il a lair tellement perdu, tellement vulnérable. Il est touchant à un point que je ne peux même pas lexprimer. Cest très émouvant darriver à entrevoir, au-delà de ce magnifique et puissant corps dathlète, l qui a peur déchouer. Et le fait quil soit prêt à partager cela avec moi me fait carrément fondre.
Alors, je me lève, je mapproche de lui, je le serre dans mes bras et lui fais plein de bisous. Je glisse mes doigts dans ses beaux cheveux bruns et je caresse doucement sa nuque.
« Je dois y aller » je lentends me glisser, comme un soupir.
« Ça va aller, Jérém ».
« Je lespère ».
« Je penserai à toi toute la journée ».
« Souhaite-moi bonne chance
».
« Bonne chance mon amour ! ».
« Merci ».
« Vous rentrez quand ? ».
« Je ne sais pas, ce soir, pas de bonne heure je pense ».
« Tiens-moi au courant ».
« Les clefs sont là » il me lance, tout en ouvrant la porte « il y a du café mais le frigo est vide. Il y a une superette plus haut dans la rue
».
Le bogoss sapprête à faire demi-tour et à partir pour de bon mais je le retiens.
« Laisse-moi partir ! ».
Je ne lécoute pas, je lattire vers moi, je le serre une dernière fois contre moi, je colle mon front contre son front.
« Je crois en toi, et je sais que tu vas réussir » je lui glisse à loreille.
Je lentends pousser un long soupir. Jaime penser que mon câlin et mes mots lui font du bien.
Un instant plus tard, Jérém se dégage de mon étreinte et se dirige vers sa journée pour de bon.
« Envoie-moi un message pour me dire comment ça sest passé ».
« Ouais ».
« Bon courage ! » je lui lance, alors que la porte se referme derrière lui.
Jérém vient de partir et je me retrouve seul dans le petit appart. Le bruit monotone de la pluie semble me parler de la solitude qui mattend. Je réalise que je vais passer toute la journée sans mon bobrun.
Mais pour lheure, jai envie de dormir un peu plus. Jai passé une mauvaise nuit et je nai pas envie de me balader dans Paris, et daffronter le métro, dans cet état. Jéteins la lumière mais jai du mal à replonger. Ce nest quaprès une bonne petite branlette que jarrive enfin à massoupir à nouveau.
Lorsque je me réveille, il est près de 9 heures. Je suis toujours seul dans lappart, toujours seul avec les questionnements de la veille. Je me demande toujours qui la appelé plusieurs fois la veille. Jai toujours du mal à croire à lexplication des potes lappelant pour faire la fête, en sachant que ses potes sont ses co-équipiers et que le réveil matinal est le même pour tous.
Il faudrait que jarrive à cesser de penser à ça, avant que ça me pourrisse la journée. Mais je ny arrive pas. Jai limpression que Jérém me cache quelque chose.
Soudain, quelque chose attire mon attention. Le tiroir de sa table de nuit est légèrement entrouvert. Et il semble me narguer, comme une invitation à aller fouiller dedans. Il suffirait dun rien pour louvrir un peu plus et entrevoir ce quil contient. Il suffirait dun rien pour fouiller un peu partout dans lappart.
La tentation est forte, mais je me retiens. Et pour ne pas céder à la tentation, je décide de partir le plus vite possible. Je sors du lit, je me douche en un temps record, je mhabille à larrache. Je ne prends même pas de café.
Jen prends un dans un bar, et je me lance à la découverte de Paris.
Mais par où commencer ? Louvre, Orsay, Grand Palais, Sainte Chapelle, Notre Dame (oui, jai envie de la revoir), Centre Pompidou, Versailles, Opéra Garnier, Grand Palais, Panthéon, Arc de Triomphe, Montmartre, mais de jour cette fois-ci.
Je narrive pas à me décider.
Je me dis que je devrais sans doute commencer par les « incontournables », dans la mesure où ils sont aussi des « possibles », par rapport à mon temps disponible.
Je me laisse guider par mes envies les plus fortes. Et le choix est rapidement resserré autour de deux propositions.
La raison me dit Joconde, Venus, Victoire, David, Egypte. Bref, le Louvre.
Mais le cur me dit Manet, Déjeuner sur lherbe, Monet, Les coquelicots, Renoir, le Bal au Moulin de la Galette. Mais aussi Degas, Cézanne, Gauguin. Bref, le cur me dit : Musée dOrsay.
Mon cur trouvant sur linstant plus darguments que ma raison, je choisis de lécouter. Bien sûr, jai très envie de visiter le Louvre, mais je me dis que jaurai le temps de visiter à dautres occasions. Du moins, cest ce que jespère de tout mon être.
Dans le métro et dans les rues, la bogossitude du terroir est au rendez-vous. Elle est bienvenue, car elle seule possède le pouvoir de donner un peu de couleur à cette journée grise. Mais comme la veille, je ne suis pas dhumeur pour apprécier le Masculin à sa juste valeur. Car chaque bogoss ou presque, pour un détail ou un autre de sa présence, me renvoie à mon bobrun qui me manque tant.
En marchant sur les bords de Seine, je me dis que la grandeur du paysage urbain parisien est vraiment impressionnante pour le touriste qui le découvre. Et pourtant, tous ces bâtiments monumentaux dégagent une mélancolie presque palpable lorsque le temps est maussade. Et, a fortiori, lorsque la tristesse habite votre cur.
La première fois où je suis venu à Paris, jai été frustré de ne pas avoir le temps de visiter. Cette fois-ci, jen ai. Je devrais men réjouir. Et pourtant, ce nest pas vraiment le cas. Car ce temps je vais le passer à visiter, certes, mais je vais surtout le passer sans Jérém à mes côtés. Jaimerais tellement quil soit avec moi !
Ceci dit, je ne suis pas certain quil aurait envie de passer des heures dans un musée, je suis même persuadé du contraire. Mais si Jérém était avec moi, on trouverait autre chose à faire qui conviendrait à tous les deux. Rien que se balader ensemble sur les bords de Seine, ou dans Paris, nimporte où, ce serait génial.
Dans lancienne gare parisienne, les chefs d'uvre de l'impressionnisme sont présentés dans un écrin grandiose. Jen prends plein les yeux et jadore. Cest tellement différent de voir ces tableaux en vrai plutôt quen photo ! Le cadre fourni par cette magnifique bâtisse, le volume des salles, léclairage, le silence, le coté solennel de la présentation, tout contribue à mettre ces uvres en valeur et à les rendre rayonnantes, vibrantes, presque vivantes.
Dans les Coquelicots, la dame à lombrelle et l qui laccompagne semblent vraiment descendre le pré entre les deux points marqués par leur double portrait. Dans la série des « Cathédrales » de Rouen, jai limpression de voir les heures dune journée, et leurs changements de lumière défiler à grande vitesse. Dans le Bal au Moulin de la Galette, les jeux dombre et de lumière semblent vibrer au gré des mouvements du feuillage caressé par le vent.
Entre deux tableaux, entre deux intenses émotions esthétiques, je pense à Jérém, à son match, à son stress. A midi je lui envoie un message dencouragement :
« Merde pour le match ! ».
Jespère quil le lira avant la compétition. Jespère que tout va bien se passer pour lui. Je suis partagé entre une immense tendresse à son égard, et la suspicion, le doute, les questions. Je narrête pas de me demander qui la appelé toutes ces fois la nuit dernière. Pourquoi il na pas voulu répondre devant moi ? Est-ce quaujourdhui, avant ou après le match, il a rappelé ce fameux interlocuteur ?
Vers 16 heures, je décide de dire au revoir à Renoir et à tous les autres impressionnistes dont luvre mimpressionne depuis ladolescence. Un autre endroit parisien semble mappeler. Un lieu que je connais déjà. Un lieu où jai été très heureux. Lorsquon est triste, on ressent parfois le besoin de revenir sur les lieux qui ont connu un bonheur passé.
Dans le métro, je me dis que le match de Jérém doit être terminé, ou quil va lêtre bientôt. Il me tarde de savoir comment ça sest passé ! Jespère que Jérém va vite me donner des nouvelles !
A Montmartre la pluie est tout aussi triste que sur les bords de Seine. Je me sens de plus en plus triste. La grisaille est un terreau favorable pour entretenir la morosité qui a pris les commandes de mon cur en cet après-midi de solitude et dattente. Même la sortie de Métro de style Liberty semble faire la tête.
Je prends le funiculaire, je reviens à Montmartre dans lespoir de retrouver dans ce quartier atypique les sensations dun soir dun mois plus tôt où jai été si heureux avec mon Jérém.
Dans les rues, dans les petites places que javais parcourues la nuit avec Jérém, tout est gris et détrempé. Les arbres nus ressemblent à des vestiges dun temps révolu. Les feuilles mortes entassées contre les bordures des trottoirs me font penser aux promesses de mon histoire avec mon Jérém qui semblent ne pas résister au passage des saisons. Nos révisions, le lycée, notre semaine magique, tout cela me semble appartenir à une autre vie. Campan me semble si loin.
Au détour dune rue, le son vibrant dun accordéon me prend aux tripes. Un peu plus loin, cest le cri dun orgue de Barbarie qui arrive à remuer ma tristesse et à me pousser au bord des larmes. Au coin dune petite place, un vieil homme grille et vend des marrons dont larôme si particulier et invitant se répand très loin.
Le jour se fane déjà et dans la ville en contrebas les feux des voitures dessinent un jeu de lumière qui ressemble à une sorte de sang bouillonnant dans les veines dun monstre fait de pierre, de béton, de goudron.
La nuit tombe et le froid humide se fait sentir encore plus intensément. Jai limpression que cette journée est en train de me glisser entre les doigts, tout comme ma vie. Jai limpression que Jérém méchappe à nouveau, que je vais le perdre à nouveau, et pour de bon cette fois-ci. Mes larmes se mélangent à la pluie fine mais insistante.
Hélas, sous un ciel de plomb, une pluie insistante, un vent froid et harcelant, je ne retrouve rien du bonheur que jétais venu chercher.
Vers 18 heures 30, je redescends à pied les marches qui séparent lancien village de la grande ville en contrebas. Je nai toujours pas le moindre message de la part de Jérém.
A lheure quil est, le match doit être terminé depuis un moment. Je commence à minquiéter de ne pas avoir de nouvelles. Et je commence aussi à ressentir de la déception pour le fait quil nait pas pris la peine de men donner.
Jessaie de relativiser en me disant quil doit être en train de se doucher ou de prendre un verre avec ses potes. Pourvu que son match se soit bien passé, et quil soit dans de bonnes dispositions ! Pourvu quil ne rentre pas trop tard, car jai hâte de le prendre dans mes bras !
Avant de descendre dans le métro, je lui envoie un message pour savoir comment sest passé le match.
Après lui avoir envoyé, une idée qui me paraît lumineuse traverse mon esprit. Ce soir, je vais lui faire à manger. Comme je le lui ai promis une fois au téléphone. Comme ça, quand il rentrera, il naura quà mettre les pieds sous la table et se détendre.
Je vais lui préparer des spaghettis carbonara.
Cette idée de lui faire plaisir me met du baume au cur et semble momentanément anesthésier mes inquiétudes. En faisant les courses à la petite superette dans sa rue, et en me disant que mon Jérém ne va pas tarder à rentrer, mon moral connaît une embellie.
A 19h30, je suis en bas de son immeuble. Mon portable vibre brièvement dans ma poche.
« On est en route ».
Enfin un message de Jérém ! Je trouve quand même adorable de sa part de me tenir au courant.
« Cool. Comment sest passé le match ? ».
« On a gagné ».
Je suis hyper heureux pour lui. Et pour moi aussi. Jespère vraiment que cette bonne nouvelle va provoquer une embellie dans son humeur et que nous allons pouvoir nous retrouver et fêter ça comme il se doit.
« Super ! Je suis fier de toi ! Je le savais que tu allais y arriver ! » je lui réponds.
« Tu penses rentrer vers quelle heure ? » jenchaîne.
« Je ne sait pas, on va feter ça avec le gars ».
Jai toujours trouvé très touchants ses sms bourrés de fautes de français, et a fortiori depuis que je sais pour sa dyslexie.
Ah oui, évidemment. Il faut bien fêter ça. Bien sûr, ça me fait chier de passer la soirée seul, alors que jai déjà passé la journée seul. Mais je ne veux pas faire dhistoires, car je me dis quil mérite bien ça, fêter la victoire avec ses coéquipiers.
« Me tarde de te voir ».
Je passe les deux heures suivantes à regarder des programmes sans intérêt à la télé. Jai faim. Mais comme je ne sais pas à quelle heure il va rentrer, jattends. A 21h30, je nen peux plus. Je mets leau des pâtes à bouillir. 21h45 je plonge les spaghettis et je prépare la sauce. 22h05 jégoutte les pâtes. Oui, des bonnes pâtes, ça se fait attendre. 22h07, elles sont prêtes à manger.
Je suis fatigué, jai faim. Je craque, je mange ma part de pâtes. Je me sens seul et triste. 23 heures, Jérém nest toujours pas là. Minuit non plus. Le tiroir de la table de nuit me nargue de façon de plus en plus effrontée. La tentation est de plus en plus forte. Une petite voix en moi me répète que peut-être que le contenu de ce petit tiroir pourrait me fournir des éléments de réponse sur lidentité du mystérieux auteur de tous ces coups de fil à Jérém qui ont gâché ma nuit et ma journée. Mais au fond de moi jai peur de ce que je pourrais trouver. Jai peur davoir mal, très mal.
Mais je ne dois pas céder. Je dois lui faire confiance. Si Jérém me cache des choses, je ne veux pas le découvrir de cette façon. Et puis, il nest pas con, sil a des trucs à cacher, ce nest pas là quil va les laisser traîner.
Mais je finis par craquer. A minuit 20, les doigts tremblants, en apnée totale, jouvre lentement le petit tiroir.
Je ne sais pas ce que jespère trouver ou ne pas trouver. Une photo, un mot, une boîte de capotes, un emballage de capote déchiré. Mais une fois le tiroir ouvert, je me sens soudainement très con. Car je ne retrouve rien de tel. Juste quelques papiers, des tickets de carte bleue, des chewing-gums, des pansements, deux paquets de cigarettes. Mais rien qui pourrait me faire mal. Non, pas de capote.
Je reprends alors ma respiration, soudainement rassuré.
Un apaisement qui ne dure quun instant, car très vite dautres questions prennent le relais.
En fait, labsence de capotes peut être interprétée de plusieurs façons. Soit, il ne couche pas ailleurs, et il est donc fidèle. Soit il fait ça sans se protéger. A ce compte-là, la bonne nouvelle naurait-elle pas été de trouver justement des capotes ?
Je referme le petit tiroir en prenant garde de le remettre dans la position dorigine.
A 1 heure 30, je tombe de fatigue. Mais je me dis que je vais lattendre quand même.
Je finis par massoupir, habillé, la lumière allumée. Jémerge à 3 heures, et je réalise que je suis toujours seul comme un con. Je suis dans les vapes mais je commence vraiment à minquiéter. Au point que je ne peux pas mempêcher de lappeler. Je tombe direct sur sa messagerie. Il a peut-être éteint son portable. Ou ça ne passe pas. Bizarre, à Paris. Ou il na peut-être plus de batterie.
Plus les minutes passent, plus linquiétude me prend aux tripes. Jétouffe dans ce petit appart. Jai envie de sortir, daller le chercher. Jérém ne ma pas dit où il allait prendre un verre, mais je ne vois pas dautres endroits que le Pousse. A cette heure-ci, il ny a plus de métro. Tant pis, je vais prendre un taxi, même si ça va me coûter une fortune.
Je suis au beau milieu de toutes ces cogitations, lorsque le bruit du déverrouillage de la serrure retentit dans le petit espace et dans le silence nocturne. La porte souvre et mon bobrun est là. Il est 4 heures et quelques minutes.
« Salut, champion ! » je lui lance en prenant sur moi pour ne pas lui demander pourquoi il rentre si tard alors que je lattends depuis 5 heures du matin, soit depuis presque 24 heures.
« Salut » il me répond.
Je lentends à sa voix, je le vois dans ses mouvements, je lentends à lodeur quil traîne avec lui : mon Jérém est passablement éméché, et pas quavec de lalcool. Le pétard a fait partie de sa troisième mi-temps.
« Cest quoi ça ? » il me demande, le regard figé sur le plat de pâtes qui lui était destiné et qui trône toujours sur la table.
« Des pâtes
».
« Ah » il fait, sur un ton comme hébété.
« Je pensais que tu rentrerais plus tôt, je tavais préparé à manger ».
« Jai mangé ».
« Jai voulu essayer de te faire plaisir ».
Jai envie de lui dire que je suis déçu quil ne soit pas rentré plus tôt, quil ait préféré passer autant de temps avec ses potes, alors que les heures à partager tous les deux nous sont comptées.
Mais je renonce à tout affrontement. Il est tard, nous sommes tous les deux fatigués et jai trop de peur dun clash. Je décide que je lui parlerai demain à tête reposée de tout ce qui me tracasse.
Je le regarde poser son sac en silence, titubant, lair pensif.
« Et moi je tai laissé dîner seul » je lentends lâcher, tristement.
Jai limpression de ressentir dans ces quelques mots une sorte de regret de ne pas être rentré plus tôt, alors que je métais donné du mal pour lui faire plaisir. Jai limpression quil ne sattendait pas à ça, et que ça le touche.
« Cest pas grave. Je ten referai » je désamorce ce petit malaise.
« Et le match, alors ? » jenchaîne.
« Cétait génial ! Jai marqué deux essais ! » il me lance, soudainement requinqué par lévocation de ses exploits.
« Je suis content, vraiment très content pour toi » je le félicite, tout en marrachant du clic clac pour aller le prendre dans mes bras, et lui faire des bisous. Mais Jérém ne semble pas être dhumeur pour ça.
« Je vais me brosser les dents » il me glisse, en se dérobant de mon accolade, et en disparaissant dans la salle de bain.
Il revient une poignée de minutes plus tard, dans la même tenue que la veille, boxer et tous pecs, abdos et tatouages dehors. Il revient en provoquant en moi le même intense, brûlant désir de lavoir en moi, de me sentir possédé par son manche viril, de le sentir vibrer de plaisir, dêtre rempli de sa semence chaude.
Hélas, le même scénario de la veille se répète également. Mon bobrun nest pas du tout réceptif à ça, et il nenvisage pas de faire lamour avec moi ce soir non plus. Bien sûr il est tard, bien sûr il est fatigué.
Ceci-dit, personne ne la obligé à rentrer si tard. Bien sûr il avait cette victoire à fêter. Mais javais espéré quon la fêterait un peu tous les deux aussi.
Oui, depuis la veille je nai cessé de me réfugier dans lidée quil suffirait que le match du week-end se passe bien pour que je retrouve comme par enchantement le Jérém de mon premier voyage à Paris.
Or, le match sest très bien passé. Et pourtant, Jérém ne semble pas plus serein que la veille. Son attitude vis-à-vis de moi na pas changé, la distance entre nous na pas disparu.
Jérém se couche, éteint la lumière, se tourne de son côté et se prépare à dormir sans ressentir le besoin du moindre bisou, sans le moindre « bonne nuit ». Décidemment, cest de pire en pire, et même pire que ce que je pouvais imaginer.
Je me dis que si même notre complicité sensuelle sest fait la malle, il ne nous reste vraiment plus rien à partager. A ce compte-là, je me demande ce que je fais encore à Paris, dans son appart, dans son lit. Pourquoi rester si nous ne discutons pas, si nous ne nous câlinons pas, si nous ne faisons pas lamour non plus ?
Jai envie de partir sur le champ. Jai envie de voir sa réaction. Est-ce quil me retiendrait ? Mais il est tard. Je me dis que je vais essayer de dormir un peu et que demain matin je vais partir à Montparnasse et monter dans le premier train pour Bordeaux. Jai envie de pleurer. Je suis tellement mal que je nai même plus la force de réclamer un bisou ou pour souhaiter une « bonne nuit » en premier.
Bien évidemment, jai tout autant de mal à mendormir que la veille. Au bout dune heure, jai toujours les yeux grands ouverts dans le noir. Je narrive pas non plus à savoir si Jérém dort ou non. Il na pas bougé dun poil depuis quil a éteint la lumière. Mais jai beau tendre loreille, je nentends pas sa respiration typique de sommeil.
Sur ce, son tel se met à vibrer à nouveau. Dans le noir et le silence, son frémissement sur la petite table de nuit résonne dans lappart avec la brutalité dune sirène rapprochée. Mon cur semballe, se met à taper à mille à la seconde. Encore ?! Je ne sais plus quoi faire, penser, imaginer.
Javais raison, Jérém ne dort pas. Au bout dune demi seconde à peine, il essaie de lattr, le fait tomber au sol, ce qui provoque un autre bruit assourdissant. Il peste, allume la lampe de chevet, se penche pour le récupérer et léteint avec des gestes fébriles et agacés. Puis, il éteint la petite lampe et sallonge à nouveau, sans un mot.
« Mais cest qui ? » je ne peux me retenir de lui demander, à bout de forces, de fatigue, de tristesse, de désespoir.
« Personne ».
« Quoi personne, ça doit bien avoir un prénom, non ? ».
« Toccupe pas de ça. Cest ma vie ».
« Et ça ne me regarde pas, cest ça ? ».
« Je suis fatigué, ne me saoule pas ».
« Ou ça va mal se passer » cest la suite que jimagine pour ses mots. Une suite que Jérém ne prononce pas, mais qui résonne très dangereusement dans ma tête.
Alors je renonce une dernière fois à laffrontement, je prends sur moi encore et encore.
Je pleure en silence, en essayant d les sanglots qui secouent mon corps par moments. Et ce nest quen me promettant à moi-même que le lendemain je lui parlerai frontalement avant de me tirer et jassumerai ses réactions et ses choix, même si douloureux pour moi, que jarrive enfin à fermer lil.
Dimanche je me réveille très tôt, beaucoup trop tôt, alors que je me suis endormi très tard. Il nest même pas 7 heures. Jai dû dormir tout juste deux heures. Autant dire que je suis KO. Et bien sûr, je narrive pas à retrouver le sommeil. Cette histoire de coups de fil me mine.
Jérém, lui, semble dormir du sommeil du juste. Après ses exploits de la veille, il sautorise une grasse matinée.
Il est tellement beau dans son sommeil ! Je caresse longuement du regard ses épaules et le haut de ses pecs dépassant de la couette, je mimprègne insatiablement de ses beaux traits de mec. Mais si jadore autant le regarder dormir, cest aussi pour une autre raison. Car, pendant ce temps, mon bobrun ne peut pas faire de bêtises ou des choses qui me feraient mal. Pendant quil dort, il est là, avec moi, entièrement avec moi. Il ny a que ses rêves qui méchappent. Je donnerais cher pour savoir ce qui se passe dans sa jolie tête.
Et je suis bien décidé à en savoir davantage. Je ne partirai pas avant davoir pu lui parler et avoir entendu ce quil a à me dire.
Jétouffe dans ce petit appartement. A 7 heures 45, après avoir laissé un mot bien en vue lui demandant de mappeler à son réveil, je sors faire un tour.
Le jour se lève tout juste et, tout comme la veille, la capitale se réveille sous une pluie battante et balayée par un petit vent froid. Je prends un café dans un bar, puis dans un autre, et dans un autre encore. A dix heures du mat, jerre en ville tel un zombie imbibé de caféine. Et je nai toujours pas de message de mon Jérém. Je me dis quil doit toujours dormir.
A 11 heures, je rentre à lappart avec des chocolatines et des croissants, bien décidé à le réveiller avec lodeur dun café que je lui préparerai avec amour. Un geste qui, jessaie de men convaincre, saura le toucher et lui donner envie de revenir vers moi.
Mais comme rien ne se passe jamais comme on lavait imaginé, lorsque jarrive à lappart, Jérém nest plus endormi, mais sous la douche.
« Tu nas pas vu mon mot ? » je lui demande lorsquil sort de la salle de bain, les cheveux encore humides, répandant dans lair un délicieux parfum de déo.
« Quel mot ? ».
« Le mot dans lequel je te disais de mappeler quand tu serais réveillé » je lui lance en lui montrant le papier que javais laissé bien en vue sur la table.
« Jai pas vu » il balaie la question dun revers de main.
« Bonjour, quand-même ! » je lui lance, tout en essayant de réfléchir à quand et comment je pourrai lui parler.
« Bonjour » il lâche, avant denchaîner « Jai rien à bouffer, on se fait un resto ce midi ».
Sa proposition de se faire un resto contrarie mes plans et reporte à plus tard cette mise au point dont jai besoin. Mais dun autre côté, lidée de nous faire un resto tous les deux me fait plaisir.
Evidemment, il choisit un petit resto à côté de chez lui, histoire dêtre discret. Jimagine quil veut éviter le risque daller en ville et de croiser de gens qui pourraient le reconnaître et dêtre vu en ma compagnie. Je comprends ses inquiétudes. Mais cest dur à encaisser. Cest dur car je vois dans son choix de resto une sorte daperçu de notre future relation. Une relation dans laquelle je serai toujours celui quon cache.
Mais ses précautions ne sont à lévidence pas suffisantes. Pendant que nous mangeons, sans presque échanger de mots dailleurs, deux gars approchent de notre table.
« Bonjour » ils lancent, surtout à lintention de Jérém.
« Bonjour » fait ce dernier, surpris.
« Désolé de vous embêter » fait lun dentre eux « mais vous êtes bien Tommasi du Racing ? ».
Jérém affiche une expression entre surprise davoir été reconnu, fierté quon vienne le voir en tant que joueur, et certainement une gêne un peu irrationnelle mais irrépressible pour le fait que je sois là avec lui.
« Cest bien moi » fait Jérém froidement.
« On vous a vu jouer hier à Périgueux et on voulait vous dire que vous êtes un sacré bon joueur ».
« Merci ».
« Cest nous qui vous disons merci pour ce que vous faites pour léquipe ».
« On essaie de donner le meilleur, même si ce nest pas toujours évident ».
« Vous vous en sortez plutôt pas mal. Avec des joueurs comme vous et Ulysse Klein, on sautorise de nouveau à croire que le Racing pourrait remonter en première division ».
« On y travaille » mais il y a encore du taf » refait Jérém, visiblement flatté.
« Allez, on vous laisse manger tranquille. Bonne journée ».
« Bonne journée ».
« Putain, on nest tranquille nulle part » me lance Jérém, dès que les deux supporters se sont suffisamment éloignés pour ne pas lentendre.
« Ça ne te fait pas plaisir quon te reconnaisse et quon te dise que tu es un bon joueur ? ».
« Si
mais
».
« Mais quoi ? ».
« Rien ».
« Mais tu nas pas envie quon te voie avec ton « cousin », cest ça ? ».
« Mais tais-toi ».
Nous terminons le déjeuner dans un silence pesant. Je me demande à quel moment je vais trouver le courage de prendre entre quatre yeux et de lui parler de mes inquiétudes et de mon malaise. Je me dis que je le ferai dès notre retour au petit appart. Je me dis que je vais devoir à tout prix garder mon calme, tout en me préparant à encaisser le pire. Je dois aussi me tenir prêt partir de chez lui avant que ça aille trop loin.
Lorsque nous sortons du resto, il pleut à seau. La seule option, du moins la seule envisagée par Jérém, est de rentrer à lappart. Je le suis, la mort dans lâme. Car le moment de la mise au point, que je pressens douloureuse, approche à grand pas. Jai le cur qui bat à tout rompre, jai peur, jen tremble.
Nous franchissons lentrée de limmeuble, nous prenons lascenseur, nous passons la porte du studio dans un silence lourd et angoissant. Jérém se tient là, devant moi, beau comme un Dieu, son déo mhypnotise, mais la distance entre nous semble insurmontable.
« Jérém » je lui lance, en prenant mon courage à deux mains.
Mais alors que jessaie toujours de trouver les mots pour amorcer une discussion périlleuse, Jérém se retourne vers moi, il approche et me prend dans ses bras. Il me serre très fort contre lui et me chuchote :
« Je suis désolé ».
Passé le premier instant de surprise, et en arrivant tant bien que mal à contenir lémotion que cette attitude inattendue vient de provoquer en moi, je le serre à mon tour dans mes bras et je plonge direct mon visage dans le creux de son cou. Je suis tellement heureux, je suis au bord des larmes. Car je suis en train de vivre cet instant tant attendu, un instant que je désespérais de voir venir ce week-end, et peut-être plus jamais, linstant où Jérém reviendrait vers moi. Mon cur est plein de joie.
Je suis tellement ému que je narrive pas à prononcer le moindre mot. Je le serre un peu plus fort encore dans mes bras, comme pour lempêcher de séloigner à nouveau. Et je ne peux retenir mes larmes.
« Je suis désolé, pour tout » il continue « Pour hier, pour lautre soir, pour les dernières semaines. Je ne voulais pas te faire de la peine. Jétais sous pression, jétais vraiment à bout. Tu peux pas savoir à quel point ça me prenait la tête. Le match dhier est le premier que je réussis depuis longtemps ».
Je suis si tellement content que Jérém me parle enfin !
« Tu mas tellement manqué, ptit loup ! » jarrive enfin à lâcher, la voix tremblante.
« Toi aussi tu mas manqué
ourson » je lentends me chuchoter.
Ah, et en plus cest le retour de « Ourson ». Là, je fonds carrément. Je suis tellement heureux que je crois rêver.
« Je suis content que tu sois là » il continue.
« Cest vrai ? ».
« Bien sûr que cest vrai ».
« Mais tu ne voulais pas que je vienne ».
« Je te lai dit, je nétais pas bien. Mais quand je tai vu, jétais super content ».
« Tu ne me las pas vraiment montré depuis lautre soir ».
« Tu as débarqué alors quUlysse était là. Lui ça va, il nest pas casse couilles. Mais il aurait pu y avoir dautres gars, qui auraient trouvé ça louche et qui mauraient fait chier ».
« Tu crois quils se doutent de quelque chose ? ».
« Je ne veux pas savoir. Je veux juste être discret et faire en sorte quils ne se posent pas de questions ».
Quelques instants plus tard, le bogoss mentraîne vers le clic clac, minvite à mallonger, se glisse sur moi, et il me couvre de bisous fougueux et fébriles, de caresses douces et sensuelles.
Soudain, je vois tout sous un nouveau jour. Finalement, ces coups de fil à toute heure venaient peut-être vraiment de ses potes. Jai toujours envie de lui parler de certains trucs, comme du fait de méloigner de sa vie quand il a des problèmes, ou la fréquence de nos retrouvailles. Mais cette mise au point, bien que toujours très nécessaire, est devenue soudainement moins urgente, et je la remets à plus tard. Je sens quaprès le pas que Jérém vient de faire envers moi, elle se fera plus facilement, et avec plus de sérénité.
Pour linstant, jai envie de me laisser porter, de profiter du moment.
Sa langue excite mes tétons, ses lèvres parcourent mon torse, embrasent mon désir. Ses doigts se glissent dans lélastique de mon boxer pour dégager délicatement ma queue de sa prison de coton, et mon excitation grimpe jusquà des sommets inouïs.
En ce dimanche après-midi gris, froid et pluvieux, je retrouve le Jérém chaud de sensualité et brûlant damour, le Jérém de Campan. Et ça me rassure drôlement.
Sa langue cherche mon gland, le titille, lagace, senroule autour. Ses lèvres le cernent pendant un instant, puis glissent le long de ma bite. Elles lancent alors une cadence de va-et-vient qui, couplés aux caresses de ses doigts sur mes tétons, me font menvoler vers un univers de plaisirs rarement atteint.
Jérém joue avec mes sens, il flirte dangereusement avec la montée de mon plaisir. Mais il maîtrise cela terriblement bien, il est capable de faire monter lexcitation, de la maintenir, de la faire redescendre un peu, de recommencer encore et encore. Bref, de faire durer le plaisir, et de préparer un orgasme dautant plus géant.
Ses lèvres quittent ma queue incandescente de plaisir. Ses mains saisissent mes mollets, font pivoter légèrement mon bassin vers lavant. Sa langue sinsinue entre mes fesses, cherche mon trou, le trouve aussitôt, et elle commence à faire tour à tour des ronds appuyés, des pressions de plus en plus déchaînées, comme si elle voulait me pénétrer profondément.
Et voilà, Jérém a réussi le tour de force de me donner deux plaisirs aussi intenses quopposés, à me désorienter totalement, à me faire sentir déchiré entre lenvie de jouir au plus vite et de moffrir à lui sans conditions.
Le bogoss tranchera à ma place. Et cest encore en agrippant mes mollets avec ses mains puissantes, en les posant sur ses épaules musclées, quil senfonce en moi, lentement, fermement, avec une attitude à la fois très douce et très virile. Le plaisir circule entre nos deux corps comme un fluide, comme de lénergie pure. Définitivement, nos corps sont faits pour semboîter, tout naturellement. Compatibilité parfaite.
Sa queue bien enfoncée en moi, Jérém sallonge sur mon torse et me serre fort contre lui. Il pose quelques bisous sur mon cou et mon oreille et me chuchote :
« Quest-ce que jaime te faire lamour
».
« Quest-ce que jaime quand tu me fais lamour ! » je lui réponds, comme une évidence.
Le bogoss commence à me limer, lentement, en douceur, tout en continuant à me faire des bisous.
Lorsquil relève son buste, cest en soulevant mes cuisses avec ses mains, et en prenant appui dessus, quil parvient à envoyer des coups de reins plus puissants. Ses mains et ses bras puissants me manipulent à leur guise. Jadore cette sensation de me sentir « à la merci » dun mâle aussi puissant.
Je vois le plaisir safficher sur son visage, et se manifester à travers des attitudes de son corps, soupirs, frissons, petits gestes incontrôlés. Voir et sentir mon Jérém prendre son pied, je crois que je ne connais pas de plaisir plus intense.
A un moment, jai lidée de passer un oreiller sous mes cuisses. Ce qui permet à mon bobrun de continuer à me limer sans avoir à maintenir la position de mon bassin. Ses mains, ainsi libérées, ne tardent pas à moffrir mille caresses sensuelles autour de mes tétons. Mais aussi à agripper mon bassin, mes hanches, mes cuisses, en quête de différents appuis pour varier la cadence de ses coups de reins.
Son attitude de jeune mâle fougueux et assuré de sa puissance virile moffre le plus intense des plaisirs, celui de me faire sentir à lui, intensément à lui. Un plaisir qui est renouvelé à chaque fois que mon Jérém me fait lamour.
Un plaisir qui prend encore une nouvelle dimension aujourdhui lorsque je me rends compte que mon bobrun a carrément cessé denvoyer des coups de reins et que ce nest plus sa queue qui coulisse en moi, mais que cest moi qui coulisse sur sa queue. Un exploit rendu possible par la présence de ses mains saisissant mon bassin et par leffet des mouvements de va-et-vient envoyés par ses biceps puissants.
Ah, putain de mec, comment il sait me faire sentir à lui, en me faisant lamour !
Et à en juger par les petits frémissements qui traversent son visage, par sa respiration profonde et régulière, par ses paupières de plus en plus lourdes, le bogoss prend bien son plaisir.
[Au début des révisions avant le bac, Jérémie adorait baiser Nico. Il prenait son pied comme jamais, et le fait « de faire le mec » ne mettait pas en cause son statut de « mâle ».
Puis, peu à peu, et en particulier pendant la semaine magique, il avait découvert le bonheur de faire lamour à Nico. Il avait réalisé quil aimait voir Nico prendre du plaisir, même si encore à ce moment-là le plaisir de Nico nétait quune « conséquence » de son propre plaisir à lui.
Mais depuis Campan, depuis quil avait réussi à accepter que son attirance et son plaisir le dirigeaient vers ce petit gars, il adore faire lamour avec Nico. Il adore lui offrir du plaisir. Lembrasser, lui faire des câlins, lui caresser les tétons, quil sait si sensibles, le pénétrer juste pour le faire jouir plus fort.
Mais aussi soccuper de sa queue, lui offrir un plaisir différent, faire ressortir son côté « ptit mec ».
Oui, Jérémie adore sentir le désir de Nico, et voir son corps exulter de plaisir au contact du sien quand il le prend, quand il le lime, quand il jouit en lui. Et, désormais, il aime tout autant voir Nico jouir.
Mais ce quil aime aussi, et de plus en plus, cest de se retrouver dans les bras de Nico après le plaisir, de retrouver de la tendresse, de la douceur, de lamour. Car ça, le fait de sabandonner en confiance dans les bras de lautre après lamour, ça fait sacrément du bien. Il navait jamais ressenti cette sensation avant Nico].
Lorsque je vois sa tête partir légèrement vers larrière, ses épaules et ses pecs souvrir, sa pomme dAdam sagiter de plus en plus frénétiquement, je sais que mon Jérém ne va pas tarder à jouir.
Mais alors que jattends avec impatience de pouvoir observer son corps et son visage secoués par lorgasme, le bobrun sallonge sur moi. Et là, tout en continuant à me limer lentement, il menserre dans ses bras et membrasse doucement.
Lorsque son orgasme vient, le bogoss sabandonne sur moi de tout son poids, il enfonce son front dans le creux de mon épaule, tout en lâchant un bon râle puissant, quil arrive à contenir avec difficulté.
Mais son orgasme à lui narrive pas seul. Les petits frottements du relief de ses abdos sur mon gland hyper excité suffisent à déclencher le mien. Ainsi, mes giclées incontrôlées se glissent entre nos torses. Elles sont puissantes, car lexcitation a provoqué une grande montée en pression. Au gré des mouvements de mon bobrun, lune dentre elle arrive même à se faufiler un passage pour aller atterrir sur son menton.
Rempli de son jus chaud, repu de plaisir, je me dis que je viens de connaître lun des orgasmes les plus intenses de ma vie.
« Eh ben, quelle puissance ! » il se marre.
« Tu peux pas savoir comment tu mas chauffé ! » je lui lance, fou de bonheur.
« Et toi, tu mas pas chauffé peut-être » il me lance à son tour, la respiration encore profonde et essoufflée.
« Je nai rien fait ».
« Tu mexcites grave, Nico ».
« Et toi, donc ? Avec ce corps et cette gueule
et cette queue
».
Le bogoss sourit, visiblement flatté. Il se déboîte, sallonge à côté de moi et me prend dans ses bras. Ah putain, comment létreinte de ses bras après lamour ma manqué ! Je la retrouve avec un immense bonheur. A cet instant précis, je me sens tellement bien, je recommence à prendre confiance
en Jérém, en nous.
« Cétait trop bon, trop bon
» il sexclame.
« Oh que oui
» je lui confirme.
« Je crois quon a joui ensemble ».
« Je te confirme » fait le bogoss, en se levant du lit et en sapprochant de la fenêtre pour fumer sa cigarette « après lamour ». Une cigarette à la forme et à larôme pas vraiment conventionnels.
Une minute plus tard, Jérém écrase son mégot et revient au lit. Il sallonge sur le ventre, moffrant la vision spectaculaire et excitante de son beau dos musclé et de ses fesses rebondies.
« Jai mal au dos » il me lance.
« Où ça ? ».
« En bas du dos ».
« Là ? » je le questionne, en me faufilant entre ses cuisses musclées et en posant mes doigts dans le creux de son dos.
« Un peu plus bas, entre les reins » il me guide « là
un peu plus bas
là, cest là
tu peux appuyer plus fort ».
Sans avoir la moindre notion de ce quil faut faire pour soulager un mal de dos, je mévertue à improviser un massage aux gestes aléatoires et à la technique farfelue.
« Ça te fait du bien ? ».
« Ça va, cest agréable ».
« Je continue alors
».
« Oui, continue ».
Je continue de le masser, en improvisant chaque geste, leur vitesse, leur pression. Je suis tellement heureux de retrouver notre complicité, à tous les niveaux.
Dehors il pleut toujours, le ciel est toujours aussi gris, si ce nest plus, que la veille. Et pourtant, depuis quelques heures, mon monde a retrouvé de si belles couleurs !
Le bobrun semble apprécier mes efforts pour le soulager et le détendre. Quant à moi, jaime lui faire du bien. Mais au bout dun moment, cette proximité avec son beau cul et de ses cuisses écartées provoque en moi une réaction incontrôlable. Je bande comme un âne. Jai très envie de lui. Jai envie de le prendre, jai envie de jouir en lui.
Alors je décide de tester son envie à lui. Je pose mes mains sur ses fesses, je les écarte doucement, et je laisse mon gland effleurer son trou.
Le petit frisson qui secoue son corps, ainsi que le petit ahanement qui séchappe de sa bouche sont autant de signes encourageants. Oui, le bogoss a envie.
Mais avant de maventurer dans son intimité, je prends le temps de titiller longuement son trou avec ma langue. Et ce nest que lorsque je le sens vraiment bien excité que je me décide à glisser à nouveau mon gland entre ses fesses. Ses muscles cèdent peu à peu, souvrent et se resserrent autour de mon gland. Et je menfonce en lui lentement, en savourant les mille frissons offerts par ce délicieux voyage quest la pénétration, tout en marrêtant à chaque fois que son corps me le demande.
Après avoir posé un long chapelet de bisous autour de son cou, je commence à le limer.
Dabord un peu tendu, le bogoss se lâche peu à peu. Son corps prend du plaisir et il le montre. Par le changement de sa respiration, des ahanements, des frissons, des petits gestes incontrôlés.
A chaque fois que je prends Jérém, cest toujours la même incrédulité qui envahit mes pensées. Quand je regarde ce corps musclé, ses tatouages, sa chaînette, tous ces signes de virilité, jai toujours autant de mal à croire que je suis en train de lui faire lamour. De lui faire lamour en tant quactif. Et que dans quelques instants, moi qui ai pendant longtemps pensé que je serais toujours son passif, je vais jouir en lui. Oui, jai toujours du mal à réaliser quil ait envie de ça.
Jaimerais tellement savoir comment Jérém ressent le fait de soffrir à moi. Jaimerais savoir si son plaisir ressemble au mien. Et jaimerais savoir par quel cheminement un mâle comme lui, bien actif et un tantinet macho à la base, a pu avoir lenvie de se faire prendre, et comment il a pu lassumer.
Je me dis que, peut-être, quand lamour est là, quand la confiance est là, il ny a plus dactif, il ny a plus de passif, il ne reste que le plaisir quon soffre mutuellement et qui est immensément plus grand que les plaisirs quon prend chacun de son côté quand on ne fait que baiser.
« Je vais pas tarder à jouir » je le préviens, lorsque je sens lorgasme approcher.
« Vas-y, petit mec, fais-toi plaisir » je lentends me chuchoter.
Il me suffit alors dune poignée de coups de reins pour me sentir perdre pied. Je sens mes giclées séchapper de mon corps, chaque éjaculation laissant dans mon bas ventre une sensation croissante de plaisir et de chaleur. Je nen finis plus de jouir, jai limpression que toute mon énergie vitale est en train de me quitter pour aller se loger dans le beau cul musclé de mon bobrun.
Je finis par mabandonner sur lui, épuisé, vidé de toute énergie.
« Ça va ? » il minterroge en se déboîtant de moi.
« Cétait tellement bon » jarrive à soupirer, à bout de mes forces.
« Tu as lair KO
».
« Cétait tellement intense
».
« Bon petit mec ! » il me lance, en claquant un bisou sur ma joue, avant de partir sallumer une nouvelle cigarette à côté de la petite fenêtre.
Le bogoss fume en silence. Et moi je le regarde en silence. Je regarde le gars que jaime. Le gars qui vient de se donner à moi. Le gars qui a ses peurs, ses contraintes, et une grande pression à gérer. Mais aussi le gars qui a tant changé pour moi. Je regarde le mec que jaime, et vis-à-vis de qui, je men rends compte désormais, jai été injuste.
« Quest-ce quil y a ? » me questionne le bobrun lorsque son regard finit par croiser le mien.
« Tu es beau
» je lui lance.
« Toi aussi tu es beau ! » fait Jérém en écrasant son mégot et en me rejoignant au lit.
« Je veux dire » je précise ma pensée, ému « que non seulement tu es vraiment un beau mec
mais que tu es beau
là aussi
(je pose ma main sur son cur) et cest pour ça que je taime, Jérémie Tommasi
».
« Mon petit Ourson damour » je lentends me chuchoter, alors que ses bras menlacent et me serrent très fort contre son torse.
Bercé par son souffle et par la chaleur de sa peau, enivré de bonheur, je finis par massoupir.
Mais ma sieste est de courte durée. La présence de quelque chose de dur et de chaud entre mes fesses me ramène assez rapidement à la veille.
« Oh, Jérém
tu as encore envie ? ».
« Tinquiète, je comprendrais que tu ne veuilles pas ».
« Je ne te dirai jamais non
».
« Ça marrange bien, parce que jai vraiment envie de te refaire lamour » je lentends me glisser à loreille, avec une intonation coquine qui fait grimper mon excitation en flèche. Je bande vite, je bande dur.
« Alors, fais toi plaisir, beau mec ! ».
Son gland trouve lentrée de mon intimité du premier coup. Sans trop forcer, il se faufile entre mes muscles dociles et offerts. Le beau mâle recommence à me pilonner. Ses assauts font écho à ceux que mon corps a reçus même pas une heure plus tôt, et me rappellent, si besoin était, à quel point mon Jérém est une bête de sexe. Je sens que je vais encore porter son souvenir dans ma chair pendant des jours, comme la dernière fois, et cela contribue à augmenter mon excitation.
Mon plaisir monte au fil de ses va-et-vient, tout comme mon envie de recevoir une nouvelle salve de son jus de mâle.
« Tu prends ton pied, bogoss ? » jai envie de lexciter.
« Je prends toujours mon pied quand je suis dans ton petit cul
».
Le bogoss vient tout juste de lâcher ces mots qui ont le pouvoir de me chauffer à bloc, lorsque quelque chose dinattendu et dextrêmement désagréable se produit.
La sonnette de lappart retentit dans la petite pièce, comme un coup de tonnerre inattendu. Jai limpression de recevoir une décharge électrique à haute tension, et que le son aigu transperce mes oreilles et mon cerveau.
Jérém stoppe net ses coups de rein, sans se déboîter en moi.
« Tu attends quelquun ? » je le questionne.
« Pas du tout. Je pense que cest une erreur. Ou des cons qui samusent. Ça arrive parfois. Si on ne fait pas de bruit, ils vont penser quil ny a personne à faire chier et ils vont repartir » il me chuchote tout bas.
Jérém vient tout juste de me donner cette explication trop bien argumentée pour être réaliste, lorsque la sonnette retentit à nouveau, et avec plus dinsistance. Je sens mon cur semballer. Et je le sens carrément se décrocher de ma poitrine lorsque jentends une voix féminine se manifester.
« Jérémie
Jérémie ! Je sais que tu es là, jai vu la lumière à ta fenêtre ».
Jérém se déboîte de moi et me fait signe de me taire.
La nana insiste, elle tape à la porte, elle lappelle sans cesse.
« Je ne partirai pas tant que tu ne viens pas me parler ».
Et là, je vois Jérém se lever, la queue encore raide, la peau brillante de transpiration, la respiration haletante. Je le regarde passer un t-shirt blanc à la va vite et essayer de cacher sa queue raide dans un jeans, sans trop de succès.
« Cest qui ? » je lui demande, inquiet de sa réponse tout autant que de son silence.
« Nico
va dans la salle de bain » il me lance, alors que la sonnerie reprend de plus belle.
« De quoi ? ».
« Je texpliquerai plus tard
promis
va dans la salle de bain ».
Je suis abasourdi face à sa demande. Je suis pris au dépourvu, je ne sais pas quoi penser, quoi faire.
« Sil te plaît » il me répète, la voix suppliante et le regard paniqué.
Alors, complètement déboussolé, je finis par mexécuter. Je menferme dans la salle de bain, sans prendre le soin damener avec moi le moindre vêtement.
« Salut beau toulousain
» jentends la nana saluer Jérém.
Les murs sont fins, lappart petit. Alors, jentends tout ce qui se dit, comme si jétais présent. Je trouve que la nana a une voix mielleuse, et jai le sentiment quelle essaie de draguer mon mec. Je ne lai pas vue mais je la déteste déjà.
« Salut » fait Jérém, sèchement « mais comment tu es rentrée ? ».
« La porte de limmeuble était ouverte ».
« Mais quest-ce que tes sexy
» elle enchaîne.
Jai la nette impression quelle essaie de le chauffer. Je crois que je vais la .
« Alors, tu ne me fais pas rentrer ? ».
« Cest pas possible là
».
« Tu nas pas oublié comment cétait bien lautre soir, jespère
».
« Ecoute, je te lai déjà dit, il faut passer à autre chose ».
Et là, en quelques secondes, tout seffondre autour de moi. Je me tiens devant le miroir, les deux mains tremblantes et nerveusement agrippées aux bords du lavabo. Et je fixe lidiot, le naïf, limbécile que je suis. Comment ai-je pu croire que Jérém pourrait tenir plus dun mois sans se taper une pouffe ? Comment ai-je pu croire quil changerait, que je pourrais lui faire confiance ? Comment ai-je pu mattendrir sur ses problèmes, alors quapparemment il ne ma pas attendu pour se changer les idées ?
« Mais je ne te demande pas de me passer la bague au doigt, jai juste envie de prendre du bon temps avec mon rugbyman préféré ».
« Tu devrais partir » jentends Jérém lui lancer, sur un ton agacé, avant dajouter « et arrête de mappeler à toutes les heures ».
La voilà la réponse à la question qui me taraude depuis presque deux jours. Ses potes qui lappellent, cest ça !
« Jai eu du mal à me procurer ton numéro, alors je men sers ! ».
« Dis-toi bien que si je ne te lai pas demandé, et si je ne réponds pas à tes messages, cest quil y a une raison ! ».
« Cest ça, oui. De toute façon, vous les mecs vous êtes tous des connards, après que vous avez tiré votre coup il ny a plus personne ! ».
Je suis tellement secoué par ce que je viens dapprendre que jen tremble. Lors dun mouvement incontrôlé, je fais tomber la mousse à raser de Jérém. Le bruit du métal creux sur le carrelage résonne dans la salle de bain de façon assourdissante. Et certainement au-delà.
« Cest quoi ça ? » jentends la pouffe demander.
« Cest rien ».
« Mais ça y est, jai compris
tu baisais une pétasse, là, maintenant ! » je lentends semporter.
« Cest pas une nana, cest un pote ».
« Cest ça oui, prends-moi pour une conne ! ».
Nu dans la salle de bain, le malaise me tétanise.
« Tu nes quun pauvre type, Jérémie ! Tu me dégoûtes ! » jentends la voix de la nana résonner et enfin se perdre dans la cage descalier.
Un instant plus tard, jentends le bruit de la porte dentrée qui se referme. Les secondes passent, je narrive pas à bouger. Je narrive pas à quitter la salle de bain. Jérém ne vient pas me chercher non plus.
Cest au prix dun effort presque surhumain que jarrive à me décrocher du lavabo et à saisir la poignée de la porte.
Lorsque jarrive enfin à louvrir, je retrouve Jérém en train de fumer à côté de la petite fenêtre, le regard perdu dans la grisaille parisienne.
« Cest qui cette nana ? » je finis par lui lancer, au bout de ma vie, après un long moment de silence.
« Elle est folle ».
« Mais cest qui ? » jinsiste.
« Personne
».
« Ce nest pas personne parce quelle te connaît, et plutôt bien apparemment ».
« Laisse tomber ».
« Tu as couché avec ? » je surenchéris, énervé, face à son attitude évasive.
« Nico, écoute
».
Ces deux mots résonnent à mes oreilles comme un « oui » inavoué et déclenchent une réaction de désespoir.
« Pourquoi tu me fais ça, pourquoi ? ».
« Mais putain, réponds-moi ! » je lui crie dessus, hors de moi, face à son silence insistant.
« Un soir, jai trop bu et jai craqué » il finit par admettre, en se retournant, le regard sur ses chaussures.
« Et tu comptes craquer encore ? ».
Je me sens aussi mal que le dernier jour où il est venu chez moi après la semaine magique, lorsque, après que nous ayons couché ensemble, une capote sétait échappée de la poche de son short.
« Va te faire foutre ! » je finis par lui lancer, face à son silence coupable.
Je commence à ramasser mes affaires et à me rhabiller.
« Tu fais quoi ? » je lentends me questionner, sur un ton inquiet.
« Je me casse ».
« Ne fais pas ça Nico ».
« Des potes qui tappellent à toutes les heures, mon cul, oui ! Pourquoi je suis assez con pour te faire confiance ? ».
« Je suis désolé ».
« Tu as couché quand avec elle ? ».
« Je ne sais plus ».
« Comment tu ne sais plus ?! ».
« Il y a deux semaines environ
».
Pile là où javais senti une distance sinstaller entre nous. Putain, je lavais senti !
« Tu vas voir ailleurs alors que je couche avec toi sans protection !!! » je lui balance, hors de moi.
« Je me suis protégé » il fait, sans la ramener.
« Tu gâches tout, Jérém ! Tu salis tout ce quil y a entre nous ! ».
« Tu vois, si je ne voulais pas que tu viennes, cest parce que javais peur quun truc comme ça se produise ».
« Si tu ne lavais pas baisée, elle ne se pointerait pas chez toi te faire un sketch parce que tu ne las pas rappelée. Et sinon, cest la seule ou il y en a eu dautres ? ».
« Cest la seule ???!!! » je crie face à son silence énervant.
« Non » il finit par lâcher, comme abasourdi.
« Combien ? ».
« Nico
».
« Combien ?!?! ».
« Deux autres ».
« Pourquoi tu couches à nouveau avec des nanas ? ».
« Parce que si je ne le fais pas, les gars vont croire que je suis pd ».
« Mais tu es pd ! ».
« Peut-être, mais je ne tiens pas à quils le sachent ».
« Tu ne penses quaux « quen dira-t-on » ! ».
« Si ça se sait, ça va être la cata pour moi. Nico, les nanas sont partout, aux soirées, aux troisièmes mi-temps. Elles ne nous lâchent pas
».
« Personne ne toblige à les baiser ! ».
« Si je ne fais pas comme les copains, je vais attirer lattention
».
« Mais tu es censé avoir une copine à Bordeaux, bordel ! ».
« Cétait léger comme excuse, et les gars commençaient à ne plus y croire. Et puis, depuis que tu es venu, jai eu droit à des allusions. On a été trop imprudents la dernière fois. Enfin jai été trop imprudent
».
Une partie de moi comprend ses arguments. Mais le sentiment de trahison est trop fort pour que je puisse ne serait-ce quenvisager daller dans son sens. Je suis trop en pétard.
« Je naurais jamais dû venir te voir ».
« Ne dis pas ça ! Je suis super content que tu sois venu, et je suis sincèrement désolé que taies eu à vivre ça ».
« Tu couches quavec des nanas ou tu te tapes aussi des mecs ? » je ne peux me retenir de le questionner. Au point où jen suis, autant tout savoir.
« Mais non ! Tu es le seul ! Tu es le seul à qui je fais lamour et à qui je laisse me faire lamour. Tu es le seul avec qui je prends mon pied. Et tu es le seul avec qui je couche sans capote. Avec les nanas, ce nest rien, cest juste pour garder les apparences ».
« Ça doit bien te plaire de tenvoyer en lair ! » je lattaque, gratuitement. Jai besoin de me défouler, quitte à taper nimporte comment.
Jérém regarde dans le vide, lair pensif, triste.
[Oui, Jérémie a couché avec des nanas pour que les gars lui lâchent les baskets. Il nen pouvait plus des allusions au sujet de sa « copine de Bordeaux », et des moqueries que cela entraînait dans les vestiaires. Et cela avait même empiré lorsque ce con de Léo, toujours lui, avait capté quil sétait fait draguer par un gars dans les chiottes dun bar. Evidemment, il était allé le raconter à tout le monde, ce qui navait pas arrangé la situation.
Léo est vraiment chiant avec lui. Jérémie sait que ses moqueries visent à le déstabiliser, car il est jaloux de lui. Au dire dUlysse, Léo était lailier espoir de léquipe avant que lui ne débarque. Et depuis son arrivée, il a peur de se faire voler la vedette.
Jérémie essaie parfois de relativiser, de se dire que les railleries de ses potes ne sont au fond quune sorte de bizutage. Mais rien ny fait. Quand ça tombe, dans le vestiaire, sur le terrain, il narrive pas à le supporter. Les blagues de ses potes le blessent, car elles visent juste. Il voudrait avoir le répondant et lhumour nécessaires pour en jouer, pour transformer ce bizutage en complicité entre mecs. Il a essayé, mais il ny arrive pas. Cest un sujet encore sensible pour lui qui commence tout juste à sassumer en tant quhomo. Et puis, quand on a quelque chose à cacher, on se sent toujours sur le point dêtre découvert et on devient paranoïaque.
Alors, il a fallu leur en mettre plein la vue, leur montrer quil pouvait lever autant de nanas quil voulait, se tailler un début de réputation de serial baiseur comme à Toulouse, faire un plan à quatre avec deux nanas et Marin, lun de ses co-équipiers, pour quils lui foutent la paix.
Ce nest quà ce prix-là, quil a pu leur clouer le bec. Y compris à Léo.
Jérémie sait quil lui faudra entretenir les apparences de temps à autre. Il se dit aussi quil doit faire gaffe vis-à-vis de Nico, pour ne pas alimenter les soupçons. Il sait aussi quil doit garder Léo à lil, comme le lui a conseillé Ulysse. Mais il est persuadé que le plus gros est fait.
Mais il y a aussi une autre raison qui le pousse à coucher avec des nanas. Depuis quil est à Paris, ses résultats sportifs ne sont pas ceux quil attend. Il se sent perdu, il perd son assurance. Alors, pour retrouver de la confiance en lui-même, il sait quil peut chercher ailleurs, dans la séduction, et en trouver à coup sûr.
Et même sil ne ressent pas de désir pour elles, même si parfois, souvent, il a besoin de penser à Nico pour jouir, le simple fait de se sentir désiré sexuellement ça lui fait du bien. Ça lui change les idées. Et ça le rassure de voir quau moins ça, ça ne change pas par rapport à Toulouse.
Aussi, dune certaine façon, les nanas le « protègent » dautres tentations quil pressent être bien plus dangereuses.
Jérémie a souvent repensé à ce gars qui lavait dragué dans un bar et qui lui avait balancé : « Ne raconte pas d'histoires, tu n'es pas comme tes potes tu es comme moi ».
Aussi, chaque jour, à chaque entraînement, à chaque vestiaire, il ressent de lattirance pour la nudité masculine. Et pour une, en particulier.
En se soulageant de temps à autre avec une nana, il a limpression déloigner ces tentations.
Mais Jérémie garde tout cela pour lui. Il sait quil ne peut pas en parler à Nico, car ça lui ferait trop de peine.
Malgré la culpabilité quil ressent vis-à-vis de Nico, une question taraude lesprit de Jérémie : est-ce que de son côté il a tenu bon ?].
« Et toi, tu tes pas fait draguer à Bordeaux ? » jentends Jérém me lancer de but en blanc.
« Figure-toi que moi aussi je suis pas mal sollicité en ce moment
mais je nai jamais craqué
enfin, pas encore » je lâche, sur un ton volontairement provocateur.
Jérém se tait, lair sonné comme sil avait reçu en coup de poing en pleine figure. Je le connais un peu désormais, et je connais cette attitude. Il essaie de garder son calme, de faire bonne figure, de dissimuler sa jalousie quil narrive pas à maîtriser.
« Je nai pas craqué et je ne veux pas craquer » je lui lance alors pour essayer de tempérer mon propos, comme une porte ouverte, comme une main tendue.
« Mais tu nes pas dans le monde du rugby, tu nes pas à Paris » il lâche sur un ton monocorde, après un moment de silence.
« Et le rugby, les apparences, tout ça cest plus important que notre relation ? ».
« Le rugby, cest ma vie ».
« Et il passe avant nous ? ».
« Ecoute, Nico
rien ni personne ne peut nous enlever ce quil y entre nous ».
« Et quest-ce quil y a « entre nous », au juste ? ».
« On est bien ensemble ».
« Mais on nest jamais ensemble ! ».
« Même si on se voit moins quavant, cest pas pour autant que ce quil y a entre nous est moins fort ».
« Et tes coucheries ne sont pas en train de ce quil y a « entre nous » ? ».
« La dernière fois tu mas dit de me protéger sil se passait quelque chose. Je me suis protégé ».
« Je ne tavais pas dit ça pour te donner le feu vert pour que tu baises à droite et à gauche ! ».
« Je suis vraiment désolé ».
« Et moi je suis censé faire quoi ? Tattendre, pendant que tu soignes tes relations publiques à grands coups de bite ? Baiser moi aussi de mon côté ? Et dis-moi, ça ne te ferait rien de savoir que je couche avec un autre gars ? ».
« Bien sûr que si, ça me rendrait malade. Mais au vu de ce que je peux te proposer, je nai pas le droit de ten empêcher
».
« Tu crois que ça va être une situation facile à vivre ? ».
« Cest le moins pire que je peux te proposer pour linstant ».
« Cet instant va durer ! ».
« Nico, tu nas pas la pression que je subis
».
« Jai des cours, des exams à réussir ! ».
« Je sais, moi aussi. Mais à la fac tu as la pression deux ou trois fois par an. Moi cest tous les week-ends quon me juge, et même en semaine pendant les entraînements. Je nai jamais de répit ».
Je me sens tellement retourné que je ne trouve même plus de quoi lui répondre. Jai juste envie de partir et de pleurer.
« Moi je crois que ce quil y a entre nous est plus fort que tout ça » je lentends me lancer au bout dun moment, après avoir écrasé son mégot.
« Je ne sais plus quoi penser » je fais, dépité.
« Nico, tu as des attentes, et elles sont tout à fait normales. Le problème cest que pendant un certain temps, je ne pourrai pas être à la hauteur de ces attentes. Je ne peux pas toffrir une vie de couple. Je ne peux pas te laisser venir tous les week-ends.
Tu peux penser ce que tu veux, que je suis lâche, que je nai pas de couilles, que je suis un connard. Mais, sil te plaît, ne pense pas que je ne tiens pas assez à toi. Tu comptes beaucoup pour moi ».
« Tu parles ! ».
« Si, tu es quelquun de spécial pour m
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